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« … Sachez donc, criait M. Courtois, sachez modérer votre juste courroux, soyez calmes, soyez dignes. »

— Certainement, poursuivait le docteur Gendron, votre pharmacien est un homme intelligent, mais vous avez, à Orcival même, un garçon qui lui dame joliment le pion. C’est un gaillard qui fait le commerce des simples et qui a su y gagner de l’argent, un certain Rebelot…

— Rebelot le rebouteur ?

— Juste. Je le soupçonne même de donner des consultations et de faire de la pharmacie à huis-clos. Il est fort intelligent. C’est moi, du reste, qui ai fait son éducation. Il a été pendant plus de cinq ans mon garçon de laboratoire et encore maintenant, quand j’ai quelque manipulation délicate…

Le docteur s’arrêta, frappé de l’altération des traits de l’impassible père Plantat.

— Eh ! cher ami, demanda-t-il, qu’est-ce qui vous prend ? Seriez-vous incommodé ?

Le juge d’instruction abandonna ses paperasses pour regarder.

— En effet, dit-il, monsieur le juge de paix est d’une pâleur…

Mais déjà le père Plantat avait repris sa physionomie habituelle.

— Ce n’est rien, répondit-il, absolument rien. Avec mon maudit estomac, dès que je change l’heure de mes repas…

Arrivant à la péroraison de sa harangue, M. Courtois enflait la voix et abusait vraiment de ses moyens :

« … Regagnez donc, disait-il, vos paisibles demeures, retournez à vos occupations, reprenez vos travaux. Soyez sans crainte, la loi vous protège. Déjà la justice a commencé son œuvre, deux des auteurs de l’exécrable forfait sont en son pouvoir et nous sommes sur la trace de leurs complices. »

— De tous les domestiques actuellement au château, remarquait le père Plantat, il n’en est pas un seul qui