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voix était claire ou distincte, ou bien se perdait dans l’espace. Il disait :

« Messieurs et chers administrés,

« Un crime inouï dans les fastes d’Orcival vient d’ensanglanter notre paisible et honnête commune. Je m’associe à votre douleur. Je comprends donc et je m’explique votre fiévreuse émotion, votre indignation légitime. Autant que vous, mes amis, plus que vous, je chérissais et j’estimais ce noble comte de Trémorel et sa vertueuse épouse ; l’un et l’autre, ils ont été la providence de notre contrée. Nous les pleurons ensemble…

— Je vous assure, disait le docteur Gendron au père Plantat, que les symptômes que vous me dites ne sont pas rares à la suite des pleurésies. On croit avoir triomphé de la maladie, on rengaine la lancette, on se trompe. De l’état aigu, l’inflammation passe à l’état chronique et se complique de pneumonie et de phthisie tuberculeuse.

«… Mais rien ne justifie, poursuivait le maire, une curiosité qui, par ses manifestations inopportunes et bruyantes, entrave l’action de la justice et est, dans tous les cas, une atteinte punissable à la majesté de la loi. Pourquoi ce rassemblement inusité, pourquoi ces cris dans les groupes, pourquoi ces rumeurs, ces chuchottements, ces suppositions prématurées ?… »

— Il y a eu, disait le père Plantat, deux ou trois consultations qui n’ont pas donné de résultats favorables. Sauvresy accusait des souffrances tout à fait étranges et bizarres. Il se plaignait de douleurs si invraisemblables, si absurdes, passez-moi le mot, qu’il déroutait les conjectures des médecins les plus expérimentés.

— N’était-ce pas R…, de Paris, qui le voyait ?

— Précisément. Il venait tous les jours et souvent restait coucher au château. Maintes fois, je l’ai vu remonter soucieux la grande rue du bourg, il allait surveiller la préparation de ses ordonnances chez notre pharmacien.