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vers neuf heures et n’avait fait qu’un somme jusqu’au matin.

Il connaissait Guespin pour l’avoir vu venir chez eux à diverses reprises. Il n’ignorait pas que son père faisait des affaires avec le jardinier de M. de Trémorel, mais il ignorait quelles affaires. Il n’avait pas d’ailleurs parlé à Guespin quatre fois en tout.

Le juge d’instruction ordonna la mise en liberté de Philippe, non qu’il fût absolument convaincu de son innocence, mais parce que si un crime a été commis par plusieurs complices, il est bon de laisser dehors un de ceux qu’on tient ; on le surveille et il fait prendre les autres.

Cependant le cadavre du comte ne se retrouvait toujours pas. On avait vainement battu le parc avec un soin extrême, visité les taillis, fouillé les moindres massifs.

— On l’aura jeté à l’eau, insinua le maire.

Ce fut l’avis de M. Domini. Des pêcheurs furent mandés et reçurent l’ordre de sonder la Seine, en commençant leurs recherches un peu au-dessus de l’endroit où on avait retrouvé le corps de la comtesse.

Il était alors près de trois heures. Le père Plantat fit remarquer que personne, très-probablement, n’avait rien mangé de la journée. Ne serait-il pas sage de prendre à la hâte quelque nourriture si on voulait poursuivre les investigations jusqu’à la tombée de la nuit.

Ce rappel aux exigences triviales de notre pauvre humanité déplut souverainement au sensible maire d’Orcival, et même l’humilia quelque peu en sa dignité d’homme et d’administrateur.

Comme cependant on donna raison au père Plantat, M. Courtois essaya de suivre l’exemple général. Dieu sait pourtant qu’il n’avait pas le moindre appétit.

Et alors, autour de cette table, humide encore du vin versé par les assassins, le juge d’instruction, le père Plantat, le médecin et le maire vinrent s’asseoir et prendre à la hâte une collation improvisée.