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pin ; je l’avais même toujours, jusqu’à aujourd’hui, considéré comme un bon garçon, bien qu’aimant trop la gaudriole ; il était peut-être un peu fier, vu son éducation…

— Vous pouvez vous retirer, dit le juge d’instruction, coupant court aux appréciations de M. François.

Le valet de chambre sortit.

Pendant ce temps, Guespin peu à peu était revenu à lui. Le juge d’instruction, le père Plantat et le maire épiaient curieusement ses impressions sur sa physionomie qu’il ne devait point songer à composer, pendant que le docteur Gendron lui tenait le pouls et comptait ses pulsations.

— Le remords et la frayeur du châtiment ! murmura le maire.

— L’innocence et l’impossibilité de la démontrer ! répondit à voix basse le père Plantat.

Le juge d’instruction recueillit ces deux exclamations, mais il ne les releva pas. Ses convictions n’étaient pas formées, et il ne voulait pas, lui, le représentant de la loi, le ministre du châtiment, laisser, par un mot, préjuger ses sentiments.

— Vous sentez-vous mieux, mon ami ? demanda le docteur Gendron à Guespin.

Le malheureux fit signe que oui. Puis, après avoir jeté autour de lui les regards anxieux de l’homme qui sonde le précipice où il est tombé, il passa les mains sur ses yeux et demanda :

— À boire.

On lui apporta un verre d’eau, et il le but d’un trait avec une expression de volupté indéfinissable. Alors, il se leva.

— Êtes-vous maintenant en état de me répondre ? lui demanda le juge.

Chancelant d’abord, Guespin s’était redressé. Il se tenait debout en face du juge, s’appuyant au dossier d’un meuble. Le tremblement nerveux de ses mains diminuait,