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val avait, à bien des reprises, donné des marques d’un vif dépit. À la fin, n’y tenant plus.

— Voilà, certes, exclama-t-il, des détails exacts, on ne peut plus exacts ; mais je me demande s’ils ont fait faire un pas à la grave question qui nous occupe tous : trouver les meurtriers du comte et de la comtesse ?

Le père Plantat, à ces mots, arrêta sur le juge d’instruction son regard clair et profond, comme pour fouiller au plus profond de sa conscience.

— Ces détails m’étaient indispensables, répondit M. Domini, et je les trouve fort clairs. Ces rendez-vous dans un hôtel me frappent ; on ne sait pas assez à quelles extrémités la jalousie peut conduire une femme…

Il s’arrêta brusquement, cherchant sans doute un trait d’union probable entre la jolie dame de Paris et les meurtriers ; puis il reprit :

— Maintenant que je connais les « époux Trémorel » comme si j’eusse vécu dans leur intimité, arrivons aux faits actuels.

L’œil brillant du père Plantat s’éteignit subitement, il remua les lèvres comme s’il eût voulu parler, cependant il se tut.

Seul, le docteur, qui n’avait cessé d’étudier le vieux juge de paix, remarqua son subit changement de physionomie.

— Il ne me reste plus, dit M. Domini, qu’à savoir comment vivaient les nouveaux époux.

M. Courtois pensa qu’il était de sa dignité d’enlever la parole au père Plantat.

— Vous demandez comment vivaient les nouveaux époux, répondit-il vivement, ils vivaient en parfaite intelligence, nul dans ma commune ne le sait mieux que moi qui étais de leur intimité… intime. Le souvenir de ce pauvre Sauvresy était entre eux un lien de bonheur ; s’ils m’aimaient tant, c’est que je parlais souvent de lui. Jamais un nuage, jamais un mot. Hector, — je l’appelais ainsi familièrement, ce malheureux et cher comte — avait pour sa femme les soins empressés d’un amant, ces pré-