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femme est le moindre de ses forfaits. Savez-vous pourquoi il ne vous a pas épousée ? C’est que de concert avec Mme Berthe, qui était sa maîtresse, il a empoisonné Sauvresy, son sauveur, son meilleur ami. Nous en avons la preuve.

C’était plus que n’en pouvait supporter l’infortunée Laurence, elle chancela et tomba mourante sur le canapé.

Mais elle ne doutait pas. Cette terrible révélation déchirait le voile qui, jusqu’alors, avait pour elle recouvert le passé. Oui, l’empoisonnement de Sauvresy lui expliquait toute la conduite d’Hector, sa position, ses craintes, ses promesses, ses mensonges, sa haine, son abandon, son mariage, sa fuite, tout enfin.

Pourtant, elle essayait encore, non de le défendre, mais de prendre la moitié de ses crimes.

— Je le savais, balbutia-t-elle, d’une voix brisée par les sanglots, je savais tout.

Le vieux juge de paix était au désespoir.

— Comme vous l’aimez, pauvre enfant, s’écria-t-il, comme vous l’aimez !

Cette douloureuse exclamation rendit à Laurence toute son énergie, elle fit un effort et se redressa l’œil brillant d’indignation :

— Moi l’aimer, s’écria-t-elle, moi !… Ah ! tenez, à vous, mon seul ami je puis expliquer ma conduite, car vous êtes digne de me comprendre. Oui, je l’ai aimé ; c’est vrai, aimé jusqu’à l’oubli du devoir, jusqu’à l’abandon de moi-même. Mais un jour il s’est montré à moi tel qu’il est, je l’ai jugé, et mon amour n’a pas résisté au mépris. J’ignorais l’assassinat horrible de Sauvresy, mais Hector m’avait avoué que son honneur et sa vie étaient entre les mains de Berthe…, et qu’elle l’aimait. Je l’ai laissé libre de m’abandonner, de se marier, sacrifiant ainsi plus que ma vie à ce que je croyais son bonheur, et cependant je n’avais plus d’illusions. En fuyant avec lui, je me sacrifiais encore. Quand j’ai vu que cacher ma honte devenait impossible, j’ai voulu mourir. Si je vis, si