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dépensé, en réparations et en mobilier, la bagatelle de trente mille écus.

C’est ce beau domaine que les époux choisirent pour passer leur lune de miel.

Ils s’y trouvèrent si bien, qu’ils s’y installèrent tout à fait, à la grande satisfaction de tous ceux qui étaient en relation avec eux. Ils conservèrent seulement un pied à terre à Paris.

Berthe était de ces femmes qui naissent tout exprès, ce semble, pour épouser les millionnaires.

Sans gêne ni embarras, elle passa sans transition de la misérable salle d’école, où elle secondait son père, au superbe salon de Valfeuillu. Et lorsqu’elle faisait les honneurs de son château à toute l’aristocratie des environs, il semblait que de sa vie elle n’avait fait autre chose.

Elle sut rester simple, avenante, modeste, tout en prenant le ton de la plus haute société. On l’aima.

— Mais il me semble, interrompit le maire, que je n’ai pas dit autre chose, et ce n’était vraiment pas la peine…

Un geste du juge d’instruction lui ferma la bouche et le père Plantat continua :

— On aimait aussi Sauvresy, un de ces cœurs d’or qui ne veulent même pas soupçonner le mal. Sauvresy était un de ces hommes à croyances robustes, à illusions obstinées, que le doute n’effleure jamais de ses ailes d’orfraie. Sauvresy était de ceux qui croient, quand même, à l’amitié de leurs amis, à l’amour de leur maîtresse.

Ce jeune ménage devait être heureux, il le fut.

Berthe adora son mari, cet homme honnête qui, avant de lui dire un mot d’amour, lui avait offert sa main.

Sauvresy, lui, professait pour sa femme un culte que d’aucun trouvait presque ridicule.

On vivait d’ailleurs grandement au Valfeuillu. On recevait beaucoup. Quand venait l’automne, les nombreuses chambres d’amis étaient toutes occupées. Les équipages étaient magnifiques.