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rence, réduite à confesser, en plein tribunal, et son déshonneur et son amour pour Hector.

M. Lecoq essaya bien de presser son convive, il voulait le décider à prendre au moins un potage et un verre de vieux bordeaux ; bientôt il reconnut l’inutilité de ses efforts et prit le parti de dîner comme s’il eût été seul. Il était fort soucieux, mais jamais l’incertitude du résultat poursuivi ne lui a fait perdre une bouchée. Il mangea longuement et bien, et vida lestement sa bouteille de Léoville.

Cependant, la nuit était venue, et déjà les garçons commençaient à allumer les lustres. Peu à peu la salle s’était vidée, et le père Plantat et M. Lecoq se trouvaient presque seuls.

— Ne serait-il pas enfin temps d’agir ? demanda timidement le vieux juge de paix.

L’agent de la sûreté tira sa montre :

— Nous avons encore près d’une heure à nous, répondit-il, pourtant je vais tout préparer.

Il appela le garçon et demanda, en même temps qu’une tasse de café, ce qu’il faut pour écrire.

— Voyez-vous, monsieur, poursuivait-il, pendant qu’on s’empressait de le servir, l’important pour nous est d’arriver jusqu’à Mlle Laurence à l’insu de Trémorel. Il nous faut dix minutes d’entretien avec elle et chez elle. Telle est l’indispensable condition de notre succès.

Le vieux juge de paix s’attendait probablement à quelque coup de théâtre immédiat et décisif, car cette déclaration de M. Lecoq sembla le consterner.

— S’il en est ainsi, fit-il avec un geste désolé, autant renoncer à notre projet.

— Pourquoi ?

— Parce que bien évidemment Trémorel ne doit pas laisser Laurence seule une minute.

— Aussi ai-je songé à l’attirer dehors.

— Et c’est vous, monsieur, si perspicace d’ordinaire qui pouvez supposer qu’il s’aventurera dans les rues ! Vous ne vous rendez donc pas compte de sa situation en