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— Où demeure-t-il ?

— Les meubles ont été portés dans un petit hôtel, rue Saint-Lazare, no…, près de la gare du Havre.

La figure de M. Lecoq, assez soucieuse jusqu’alors, exprima la joie la plus vive. Il éprouvait l’orgueil si légitime et si naturel du capitaine qui voit réussir les combinaisons qui doivent perdre l’ennemi. Il se permit de taper familièrement sur l’épaule du vieux juge de paix en prononçant ce seul mot :

— Pincé !…

Mais le Pâlot secoua la tête.

— Ce n’est pas sûr, dit-il.

— Pourquoi ?

— Vous le pensez bien, monsieur, l’adresse m’étant connue, ayant du temps devant moi, je suis allé reconnaître la place, c’est-à dire le petit hôtel.

— Et alors ?

— Le locataire s’appelle bien Wilson, mais ce n’est pas l’homme au portrait, j’en suis sûr.

Le juge de paix eut un geste de désappointement, mais M. Lecoq ne se décourageait pas si vite.

— Comment as-tu des détails ? demanda-t-il à son agent.

— J’ai fait parler un domestique.

— Malheureux ! s’écria le père Plantat, vous avez peut-être éveillé les soupçons !

— Pour cela, non, répondit M. Lecoq, j’en répondrais ; Pâlot est mon élève. Explique-toi, mon garçon.

— Pour lors, monsieur, l’hôtel reconnu, habitation cossue, ma foi ! je me suis dit : « Voici bien la cage, sachons si l’oiseau est dedans. » Mais comment faire ? Par bonheur, et par le plus grand des hasards, j’avais sur moi un louis ; sans hésiter, je le glisse dans le canal qui conduit au ruisseau de la rue, les eaux ménagères de l’hôtel.

— Puis tu sonnes ?

— Comme de juste. Le portier — car il y a un portier — vient m’ouvrir, et moi de mon air le plus vexé je lui