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vin de la rue des Martyrs. Tu sais, au coin, en face de l’église. Ils y trouveront bonne et nombreuse compagnie.

Il donnait ses ordres, et en même temps il quittait sa robe de chambre, endossait une longue redingote noire et assujettissait solidement sa perruque.

— Monsieur rentrera-t-il ce soir ? demanda Janouille.

— Je ne sais.

— Et si on vient de là-bas ?

« Là-bas, » pour un homme du métier, c’est toujours « la maison, » la préfecture de police.

— Tu diras, répondit-il, que je suis dehors pour l’affaire de Corbeil.

M. Lecoq était prêt. Véritablement il avait l’air, la tournure, la physionomie et les façons d’un respectable chef de bureau d’une cinquantaine d’années. Des lunettes d’or, un parapluie, tout en lui exhalait un parfum on ne peut plus bureaucratique.

— Maintenant, dit-il au père Plantat, hâtons-nous.

Dans la salle à manger, Goulard, qui avait fini de déjeuner, attendait au port d’armes le passage de son grand homme.

— Eh bien ! mon garçon, lui demanda M. Lecoq, as-tu dit deux mots à mon vin ? comment le trouves-tu ?

— Délicieux, monsieur, répondit l’agent de Corbeil, parfait, c’est-à-dire un vrai nectar.

— T’a-t-il ragaillardi, au moins ?

— Oh ! oui, monsieur.

— Alors, tu vas nous suivre à quinze pas et tu monteras la garde devant la porte de la maison où tu nous verras entrer. J’aurai probablement à te confier une jolie fille que tu conduiras à M. Domini. Et ouvre l’œil ; c’est une fine mouche, fort capable de t’enjôler en route et de te glisser entre les doigts.

Ils sortirent et derrière eux Janouille se barricada solidement.