Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/374

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— J’aime Laurence, monsieur, et livrer Trémorel c’était creuser entre elle et moi un abîme.

L’agent de la sûreté s’inclina.

— Diable ! pensait-il, il est fin, le juge de paix d’Orcival, aussi fin que moi. Eh bien ! je l’aime, et je vais lui donner un coup d’épaule auquel il ne s’attend pas.

Le père Plantat brûlait d’interroger M. Lecoq, de savoir de lui quel était ce moyen unique d’un succès relativement sûr qu’il avait trouvé d’empêcher le procès et de sauver Laurence. Il n’osait.

L’agent de la sûreté était alors accoudé à son bureau, le regard perdu dans le vide. Il tenait un crayon, et machinalement il traçait sur une grande feuille de papier blanc des dessins fantastiques.

Tout à coup il parut sortir de sa rêverie. Il venait de résoudre une dernière difficulté ; son plan désormais était entier, complet. Il regarda la pendule.

— Deux heures ! s’écria-t-il, et c’est entre trois et quatre heures que j’ai donné rendez-vous à Mme Charman pour Jenny Fancy.

— Je suis à vos ordres, fit le juge de paix.

— Fort bien. Seulement, comme après Fancy nous aurons à nous occuper de Trémorel, prenons nos mesures pour en finir aujourd’hui.

— Quoi ! vous espérez dès aujourd’hui mener à bonne fin…

— Certainement. C’est dans notre métier surtout que la rapidité est indispensable. Il faut des mois souvent pour rattraper une heure perdue. Nous avons chance, en ce moment, de gagner Hector en vitesse et de le surprendre ; demain il serait trop tard. Ou nous l’aurons dans vingt-quatre heures, ou nous devrons changer nos batteries. Chacun de mes trois hommes a une voiture attelée d’un bon cheval ; en une heure, ils doivent avoir terminé leur tournée chez les tapissiers. Si j’ai raisonné juste, d’ici à une heure, deux heures au plus, nous aurons l’adresse et alors nous agirons.

Tout en parlant, il retirait d’un carton une feuille de