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volontaire du docteur. Puis-je n’être pas ravi lorsque je rencontre un beau crime ?

Et, sans attendre la réplique du juge de paix, il poursuivit la lecture de la lettre :

« L’expérience promettait d’être d’autant plus concluante que l’aconitine est un des alcaloïdes qui se dérobent le plus opiniâtrément aux investigations et à l’analyse.

Vous savez comment je procède ? Après avoir fait chauffer fortement dans deux fois leur poids d’alcool les matières suspectes, je fais couler doucement le liquide dans un vase à bords peu élevés, dont le fond est garni d’un papier sur lequel je suis parvenu à fixer mes réactifs.

Mon papier conserve-t-il sa couleur ? Il n’y a pas de poison. En change-t-il ? Le poison est constant

Ici, mon papier, d’un jaune clair, devait, si nous ne nous trompions pas, se couvrir de taches brunes, ou même devenir complètement brun.

D’avance, j’avais expliqué l’expérience au juge d’instruction et aux experts qui m’étaient adjoints.

Ah ! mon ami, quel succès ! Aux premières gouttes d’alcool, le papier est devenu subitement du plus beau brun foncé. C’est vous dire que votre récit était de la dernière exactitude.

Les matières soumises à mon examen étaient littéralement saturées d’aconitine. Jamais, dans mon laboratoire, opérant à loisir, je n’ai obtenu des résultats plus décisifs.

Je m’attends à voir, à l’audience, contester la sûreté de mon expérimentation, mais j’ai des moyens de vérification et de contre-expertise tels, que je confondrai certainement tous les chimistes qu’on m’opposera.

Je pense, mon cher ami, que vous ne serez pas indifférent à la légitime satisfaction que j’éprouve… »

La patience du père Plantat était à bout.

— C’est inouï, s’écria-t-il d’un ton furieux, oui,