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— C’est que j’ai beau me creuser la tête… commença-t-il.

— Pardon, interrompit M. Lecoq, Trémorel ayant loué un appartement, a dû, n’est-il pas vrai, s’occuper de le meubler.

— Évidemment.

— Et de le meubler somptueusement, qui plus est. D’abord parce qu’il aime le luxe et qu’il a de l’argent ; ensuite parce qu’enlevant une jeune fille il ne peut la faire passer de la riche maison de son père dans un galetas. Je gagerais volontiers qu’ils ont un salon aussi beau que celui du Valfeuillu.

— Hélas ! que nous importe !

— Peste ! cher monsieur, cela nous importe fort, comme vous l’allez voir. Voulant beaucoup de meubles, et de beaux meubles, Hector ne s’est pas adressé à un brocanteur. Il n’avait le temps ni d’acheter rue Drouot, ni de courir le faubourg Saint-Antoine. Donc il est allé simplement trouver un tapissier.

— Quelque tapissier à la mode…

— Non, il aurait risqué d’être reconnu et il est clair qu’il s’est présenté sous un faux nom, sous celui qu’il a donné à l’appartement. Il a choisi quelque tapissier habile et modeste, il a commandé, s’est assuré que tout serait livré à une époque fixe et a payé.

Le juge de paix ne put retenir une exclamation de joie, il commençait à comprendre.

— Ce marchand, poursuivait M. Lecoq, a dû garder le souvenir de ce riche client qui n’a pas marchandé et qui a payé comptant. S’il le revoyait, il le reconnaîtrait.

Quelle idée ! s’écria le père Plantat hors de lui, vite, bien vite, procurons-nous des portraits de Trémorel, des photographies, envoyons un homme à Orcival.

M. Lecoq eut ce fin sourire qui lui monte aux lèvres, chaque fois qu’il donne une nouvelle preuve d’habileté.

— Remettez-vous, monsieur le juge de paix, dit-il, j’ai fait le nécessaire. Hier, pendant l’enquête, j’avais