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le procédé. Il trouvait tout simple qu’on raisonnât ainsi. Il s’expliquait à cette heure certains exploits de la police active qui jusqu’alors lui avait semblé tenir du prodige.

Mais ce que M. Lecoq appelait un champ d’investigations restreint lui paraissait encore l’immensité.

— Paris est grand, observa-t-il.

L’agent de la sûreté eut un magnifique sourire.

— Dites immense, répondit-il, mais il est à moi. Paris entier est sous la loupe de la rue de Jérusalem comme une fourmilière sous le microscope du naturaliste.

Cela étant, me demanderez-vous, comment se trouve-t-il encore à Paris des malfaiteurs de profession ?

Ah ! monsieur, c’est que la légalité nous tue. Nous ne sommes pas les maîtres, malheureusement. La loi nous condamne à n’user que d’armes courtoises contre des adversaires pour qui tous les moyens sont bons. Le parquet nous lie les mains. Les coquins sont habiles, mais croyez que notre habileté est mille fois supérieure.

— Mais, interrompit le père Plantat, Trémorel est désormais hors la loi, nous avons un mandat d’amener.

— Qu’importe ? le mandat me donne-t-il le droit de fouiller sur-le-champ les maisons où j’ai lieu de supposer qu’il s’est réfugié ! Non. Que je me présente chez un des anciens amis du comte Hector, il me jettera la porte au nez. En France, monsieur, la police a contre elle non-seulement les coquins, mais encore les honnêtes gens.

Toutes les fois que par hasard M. Lecoq aborde cette thèse, il s’emporte et en arrive à des propositions étranges. Son ressentiment est profond comme l’injustice. Avec la conscience d’immenses services rendus, il a le sentiment d’une sorte de réprobation qui l’exaspère.

Par bonheur, au moment où il était le plus animé, un brusque mouvement le mit en face de la pelote. Il s’arrêta court.

— Diable ! fit-il, j’oubliais Hector.