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— Quoi ! votre plan est fait ?

— Et arrêté, oui, monsieur.

Le père Plantat était devenu l’attention même.

— Je pars, reprit l’agent de la sûreté, de ce principe qu’il est impossible à un homme accompagné d’une femme de se dérober aux investigations de la police. Ici, la femme est jeune, elle est jolie et elle est enceinte ; trois impossibilités de plus.

Ce principe admis, étudions le comte de Trémorel.

Est-ce un homme d’une perspicacité supérieure ? Non, puisque nous avons éventé ses ruses. Est-ce un imbécile ? Non, puisque ces manœuvres ont failli prendre des gens qui ne sont pas des sots. C’est donc un esprit moyen auquel son éducation, ses lectures, ses relations, les conversations quotidiennes ont procuré une somme de connaissances dont il tirera parti.

Voilà pour l’esprit. Nous connaissons le caractère : mou, faible, vacillant, n’agissant qu’à la dernière extrémité. Nous l’avons vu ayant en horreur les déterminations définitives, cherchant toujours des biais, des transactions. Il est porté à se faire des illusions, à tenir ses désirs pour événements accomplis, enfin il est lâche.

Et quelle situation est la sienne ? Il a tué sa femme, il espère avoir fait croire à sa mort, il enlève une jeune fille, il a en poche une somme qui approche et peut-être même dépasse un million.

Maintenant, étant donnés la situation, le caractère et l’esprit d’un homme, peut-on, par l’effort de la réflexion, en raisonnant sur ses actions connues, découvrir ce qu’il a fait en telle ou telle circonstance ?

Je crois que oui, et j’espère vous le prouver.

M. Lecoq s’était levé et arpentait son cabinet de travail ainsi qu’il a coutume de le faire, toutes les fois qu’il expose et développe ses théories policières.

— Voyons donc, poursuivait-il, comment je dois m’y prendre pour arriver à découvrir la conduite probable d’un homme dont les antécédents, le caractère et l’esprit me sont connus ? Pour commencer je dépouille mon