— Messieurs, dit-il, M. le docteur Gendron.
Le père Plantat échangea une poignée de main avec le médecin ; monsieur le maire lui adressa son sourire le plus officiellement gracieux.
C’est que le docteur Gendron est bien connu à Corbeil et dans tout le département ; il y est même célèbre, malgré le voisinage de Paris.
Praticien d’une habileté hors ligne, aimant son art et l’exerçant avec une sagacité passionnée, le docteur Gendron doit cependant sa renommée moins à sa science qu’à ses façons d’être. On dit de lui : « C’est un original ; » et on admire ses affectations d’indépendance, de scepticisme et de brutalité.
C’est entre cinq et neuf heures du matin, été comme hiver, qu’il fait ses visites. Tant pis pour ceux que cela dérange ; ce ne sont point, Dieu merci ! les médecins qui manquent.
Passé neuf heures, bonsoir, personne, plus de docteur. Le docteur travaille pour lui, le docteur est dans sa serre, le docteur inspecte sa cave, le docteur est monté à son laboratoire, près du grenier, où il cuisine des ragoûts étranges.
Il cherche, dit-on dans le public, des secrets de chimie industrielle pour augmenter encore ses vingt mille livres de rentes, ce qui est bien peu digne.
Et il laisse dire, car le vrai est qu’il s’occupe de poisons et qu’il perfectionne un appareil de son invention, avec lequel on pourra retrouver les traces de tous les alcaloïdes qui, jusqu’ici, échappent à l’analyse.
Si ses amis lui reprochent, même en plaisantant, d’envoyer promener les malades dans l’après-midi, il se fâche tout rouge.
— Parbleu ! répond-il, je vous trouve superbes ! Je suis médecin quatre heures par jour, je ne suis guère payé que du quart de mes malades, c’est donc trois heures que je donne quotidiennement à l’humanité que je méprise et à la philantropie dont je me soucie… Que chacun de vous en donne autant, et nous verrons.