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ment décontenancé. Il s’approcha de Guespin, et lui tapant sur l’épaule :

— Allons, mon camarade, lui dit-il d’un ton paternel, ce que tu nous racontes est absurde. Penses-tu que monsieur le juge d’instruction a quelque motif secret de t’en vouloir ? Non, n’est-ce pas ? Supposes-tu que j’ai intérêt à ta mort ? Pas davantage. Un crime a été commis, nous cherchons le coupable. Si tu es innocent, aide-nous à trouver celui qui ne l’est pas. Qu’as-tu fait de mercredi à jeudi matin ?

Mais Guespin persistait dans son entêtement farouche, stupide. Entêtement de l’idiot et de la bête brute.

— J’ai dit ce que j’avais à dire, fit-il.

Alors M. Lecoq, changea de ton, de bienveillant qu’il était, il se fit sévère, se reculant comme pour mieux juger de l’effet qu’il allait produire sur Guespin…

— Tu n’as pas le droit de te taire, entends-tu, reprit-il. Et quand même tu te tairais, imbécile, est-ce que la police ne sait pas tout. Ton maître t’a chargé d’une commission, n’est-ce pas, mercredi soir. Que t’a-t-il donné ? Un billet de mille francs ?

Le prévenu regardait M. Lecoq d’un air absolument stupide.

— Non, balbutia-t-il, c’était un billet de cinq cents francs.

Comme tous les grands artistes, au moment de leur scène capitale, l’agent de la sûreté était vraiment ému. Son surprenant génie d’investigation venait de lui inspirer cette combinaison hardie qui, si elle réussissait, lui assurait le gain de la partie.

— Maintenant, demanda-t-il, dis-moi le nom de cette femme.

— Je ne le sais pas, monsieur.

— Tu n’es donc qu’un sot ? Elle est petite, n’est-ce pas, assez jolie, brune et pâle, avec des yeux très-grands.

— Vous la connaissez donc ? fit Guespin d’une voix tremblante d’émotion.

— Oui, mon camarade, et si tu veux savoir son nom