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toire de tous les soucis qu’elle lui donnait, il me disait qu’il ne se débarrasserait d’elle qu’en la faisant enfermer, mais que le moyen lui répugnait.

— La dernière entrevue date-t-elle de loin ?

— Ma foi ! répondit le docteur Gendron, étant en consultation à Melun, il n’y a pas trois semaines, j’ai aperçu à la fenêtre d’un hôtel le comte et sa péronnelle ; même à ma vue il s’est retiré vivement.

— Alors, murmura l’agent de la sûreté, plus de doute…

Il se tut. Guespin entrait entre deux gendarmes.

En vingt-quatre heures, le malheureux jardinier du Valfeuillu avait vieilli de vingt ans. Il avait les yeux hagards, et ses lèvres crispées étaient bordées d’écume. Par moments la contraction de sa gorge trahissait la difficulté qu’il éprouvait à avaler sa salive.

— Voyons, lui demanda le juge d’instruction, êtes-vous revenu à des sentiments meilleurs ?

Le prévenu ne répondit pas.

— Êtes-vous décidé à parler ?

Une convulsion de rage secoua Guespin de la tête aux pieds, ses yeux lancèrent des flammes.

— Parler, fit-il d’une voix rauque, parler ! Pourquoi faire ?

Et après un de ces gestes désespérés de l’homme qui s’abandonne, qui renonce à toute lutte comme à toute espérance, il s’écria :

— Que vous ai-je fait, mon Dieu ! pour me torturer ainsi ? Que voulez-vous que je vous dise ? Que c’est moi qui ai fait le coup ? Est-ce là ce que vous voulez ? Alors, oui, c’est moi ! Vous voilà contents. Coupez-moi maintenant la tête, mais faites vite, je ne veux pas souffrir.

Une morne stupeur accueillit cette déclaration de Guespin. Quoi, il avouait !…

M. Domini eut au moins le bon goût de ne pas triompher, il resta impassible, et cependant cet aveu le surprenait au delà de toute expression.

Seul, M. Lecoq, bien que surpris, ne fut pas absolu-