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le docteur Gendron et le père Plantat qui l’observaient avec la plus ardente attention, épiant les plus légères contractions des muscles de son visage, virent passer dans ses yeux l’éclair du triomphe. Sans doute il venait de trouver une solution au problème qui lui était posé. Et quel problème ! qui mettait en question la liberté d’un homme, la vie d’un innocent.

— Je comprends, monsieur le juge d’instruction, répondit-il, je m’explique le mutisme obstiné de Guespin. Je serais au comble de la surprise si, à cette heure, il se décidait à parler.

M. Domini se méprit au sens de cette explication ; même il y crut découvrir une intention soigneusement voilée de persiflage.

— Il a eu cependant la nuit pour réfléchir, répondit-il. Douze heures, n’est-ce pas assez pour échafauder un système de défense ?

L’agent de la sûreté hocha la tête d’un air de doute.

— C’est certes plus qu’il ne faut, dit-il, mais notre prévenu s’inquiète peu d’un système, j’en mettrais ma main au feu.

— S’il se tait, c’est qu’il n’a rien trouvé de plausible.

— Non, monsieur, non, répondit M. Lecoq, croyez bien qu’il ne cherche pas. Dans mon opinion, Guespin est victime. C’est vous dire que je soupçonne Trémorel de lui avoir tendu un piége infâme dans lequel il est tombé et où il se sent si bien pris que toute lutte lui paraît insensée. Il est convaincu, ce malheureux, que plus il se débattrait, plus il resserrerait les mailles du filet qui l’enveloppe.

— C’est aussi mon avis, affirma le père Plantat.

— Le vrai coupable, poursuivait l’agent de la sûreté, le comte Hector, a été pris de folie au dernier moment, et ce trouble a stérilisé toutes les précautions qu’il avait imaginées pour donner le change. Mais c’est, ne l’oublions pas, un homme intelligent, assez perfide pour mûrir les plus odieuses machinations, assez dégagé de scrupules pour les exécuter. Il sait qu’il faut à la justice