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— C’est que, monsieur, nous aurions, je crois, besoin du dossier que vous nous avez lu cette nuit, afin de le communiquer à monsieur le juge d’instruction.

L’agent de la sûreté s’attendait à voir son interlocuteur bondir à cette proposition, ses prévisions furent trompées.

Le père Plantat eut un triste sourire, et le regardant fixement dans les yeux :

— Vous êtes bien fin, cher M. Lecoq, dit-il, mais je le suis assez pour garder le dernier mot dont vous avez deviné une bonne partie.

M. Lecoq faillit rougir sous ses favoris blonds.

— Croyez, monsieur… balbutia-t-il.

— Je crois, interrompit le père Plantat, que vous seriez peut-être bien aise de connaître la source de mes renseignements. Vous avez trop de mémoire pour ne pas vous rappeler que, hier soir, en commençant, je vous ai prévenu que cette relation était pour vous seul et que je n’avais en vous la communiquant, qu’un seul but : faciliter nos recherches. Que voulez-vous que fasse le juge d’instruction de notes absolument personnelles, n’ayant aucun caractère d’authenticité ?

Il réfléchit quelques secondes, comme s’il eût cherché à ajouter une phrase à sa pensée, et ajouta :

— J’ai en vous trop de confiance, M. Lecoq, je vous estime trop pour ne pas être certain d’avance que vous ne parlerez aucunement de documents absolument confidentiels. Ce que vous direz vaudra tout ce que j’ai pu écrire, maintenant qu’à l’appui de vos assertions vous avez le cadavre de Robelot et la somme considérable trouvée en sa possession. Si M. Domini hésitait encore à vous croire, vous savez que le docteur se fait fort de retrouver le poison qui a tué Sauvresy…

Le père Plantat s’arrêta, il hésitait.

— Enfin, reprit-il, je crois que vous saurez taire ce que vous avez su pénétrer.

La preuve que M. Lecoq est vraiment un homme fort, c’est que trouver un partenaire de sa force ne lui déplaît pas.