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La physionomie du vieux juge de paix portait en ce moment l’empreinte d’une douleur profonde.

— Hélas ! pensait-il, voici pourtant le prix de la vie de mon pauvre Sauvresy.

En même temps que l’or, l’agent de la sûreté avait retiré de la cachette un petit papier couvert de chiffres. C’était comme le grand-livre du rebouteux. D’un côté, à gauche, il avait porté la somme de 40,000 francs. De l’autre côté, à droite, il avait inscrit diverses sommes, dont le total s’élevait à 21,500 francs. Ces différentes sommes se rapportaient au prix de ses acquisitions. C’était par trop clair. Mme  Sauvresy avait payé 40,000 francs à Robelot son flacon de cristal bleu.

Le père Plantat et l’agent de la sûreté n’avaient plus rien à apprendre chez le rebouteux.

Ils serrèrent dans le secrétaire l’or de la cachette et apposèrent partout les scellés qui devaient rester à la garde de deux des hommes présents.

Mais M. Lecoq n’était pas encore complètement satisfait.

Qu’était-ce donc que ce manuscrit lu par le vieux juge de paix ? Un instant il avait pensé que c’était simplement une copie de la dénonciation à lui confiée par Sauvresy. Mais non, ce ne pouvait être cela ; Sauvresy n’avait pas pu décrire les dernières scènes si terribles de son agonie.

Ce point, resté obscur, tracassait prodigieusement l’homme de la préfecture de police et empoisonnait la joie qu’il éprouvait d’avoir mené à bonne fin cette enquête si difficile.

Une fois encore il voulut essayer d’arracher la vérité au père Plantat. Le prenant sans trop de façon par le collet de sa redingote, il l’attira dans l’embrasure de la fenêtre, et de son air le plus innocent :

— Pardon, monsieur, lui dit-il à voix basse, est-ce que nous n’allons pas retourner chez vous ?

— À quoi bon, puisque le docteur Gendron, en sortant de chez le maire, doit nous rejoindre ici ?