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XXII


Il avait fallu au rebouteux d’Orcival une présence d’esprit singulière et un rare courage, pour se donner la mort dans ce cabinet obscur, sans éveiller par aucun bruit suspect l’attention des hôtes de la bibliothèque.

Un bout de ficelle, trouvé en tâtant dans l’ombre parmi les vieux livres et les liasses de journaux, avait été l’instrument de son suicide. Il l’avait lié solidement autour de son cou, et se servant d’un morceau de crayon en guise de tourniquet il s’était étranglé.

Il n’offrait rien, d’ailleurs, de cet aspect hideux que la croyance populaire attribue aux individus qui périssent par la strangulation.

Il avait la face pâle, les yeux à demi-ouverts, la bouche béante et l’air hébété de l’homme qui, sans grandes douleurs, perd peu à peu connaissance, sous l’influence d’une congestion cérébrale.

— Peut-être est-il encore possible de le rappeler à la vie, dit le docteur Gendron ?

Et sortant bien vite sa trousse de sa poche, il s’agenouilla près du cadavre.

Ce suicide paraissait contrarier vivement et même affecter M. Lecoq. Au moment où tout allait comme sur des roulettes, voilà que son principal témoin, celui qu’il avait arrêté au péril de ses jours, lui échappait.

Le père Plantat au contraire semblait presque satisfait, comme si cette mort eût servi certains projets dont il n’avait pas parlé encore et répondu à de secrètes espérances. Peu importait, d’ailleurs, s’il ne s’agissait que de combattre les opinions de M. Domini et de lui fournir les éléments d’une conviction nouvelle. Ce cadavre avait une bien autre éloquence que le plus explicite des aveux.