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cultivait, s’inquiétant beaucoup des moyens qu’on emploie pour en extraire les sucs mortels.

— Oui, dit-il, elle a songé à mourir.

— Eh bien ! reprit l’agent de la sûreté, c’est au moment où ces pensées funèbres hantaient l’esprit de la pauvre enfant, que le comte de Trémorel a pu facilement achever son œuvre de perdition. Elle lui disait sans doute qu’elle préférait la mort à la honte, il lui a prouvé qu’étant enceinte, elle n’avait pas le droit de se tuer. Il lui a dit qu’il était bien malheureux, que n’étant pas libre, il ne pouvait réparer l’horrible faute, mais il lui a offert en même temps de lui sacrifier sa vie.

Que devait-elle faire pour tout sauver ? Abandonner sa famille, faire croire à son suicide, pendant que lui, de son côté, déserterait sa maison et abandonnerait sa femme.

Sans doute, elle a dû se défendre, résister. Mais ne devait-il pas tout obtenir d’elle, lui arracher les plus invraisemblables consentements — en lui parlant de cet enfant qu’elle sentait tressaillir dans son sein, qu’ils élèveraient entre eux, qui ainsi aurait un père !

Et elle a consenti à tout, elle a fui, elle a recopié et jeté à la poste la lettre infâme préparée par son amant.

Le docteur était convaincu.

— Oui, murmura-t-il, oui, voilà bien les moyens de séduction qu’il a dû employer.

— Mais quel maladroit, reprit l’agent de la sûreté, quel niais, qui n’a pas pensé qu’infailliblement ou remarquerait cette bizarre coïncidence entre la disparition de son cadavre et le suicide de Mlle  Laurence. Les cadavres ne se perdent pas comme cela, que diable ! Mais non, monsieur s’est dit : On me croira bel et bien assassiné tout comme ma femme, et la justice ayant son coupable, c’est-à-dire Guespin, n’en demandera pas davantage.

Le père Plantat eut un geste désespéré de rage impuissante.

— Ah ! s’écria-t-il, ne savoir où le misérable se cache pour lui arracher Laurence.