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nait à sa veuve, pour tenir Trémorel sous ses pieds, une arme terrible toujours prête à frapper. C’est là cette cravache magique qu’elle employait si, par hasard, il se révoltait. Ah ! c’était un misérable, cet homme, mais elle a dû le faire terriblement souffrir…

— Oui, interrompit le docteur Gendron, jusqu’au jour où il l’a tuée.

L’agent de la sûreté avait repris sa promenade à travers la bibliothèque.

— Reste maintenant, disait-il, la question du poison, question simple à résoudre, puisque nous tenons-là, dans ce cabinet, celui qui l’a vendu.

— D’ailleurs, répondit le docteur, pour ce qui est du poison, j’en fais mon affaire. C’est dans mon laboratoire que ce gredin de Robelot l’a volé, et je ne saurais que trop quel il est, le poison, alors même que les symptômes, si bien décrits par le père Plantat, ne m’eussent pas appris son nom. Je m’occupais d’un travail sur l’aconit lors de la mort de M. Sauvresy, c’est avec de l’aconitine qu’il a été empoisonné.

— Ah ! fit M. Lecoq surpris, de l’aconitine ; c’est la première fois que je rencontre ce poison-là dans ma pratique. C’est donc une nouveauté ?

— Pas précisément, dit en souriant M. Gendron. C’est de l’aconit que Médée extrayait, dit-on, ses plus effroyables toxiques, et Rome et la Grèce l’employaient concurremment avec la ciguë comme agent d’exécutions judiciaires.

— Et je ne le connaissais pas ! J’ai, il est vrai, si peu de temps pour travailler. Après cela, il était peut-être perdu, ce poison de Médée, comme celui des Borgia ; il se perd tant de choses !

— Non, il n’est pas perdu, rassurez-vous. Seulement, nous ne le connaissons guère maintenant que par les expériences de Mathiole, sur les condamnés à mort, au xvie siècle ; par les travaux de Hers, qui en 1833 isola le principe actif, l’alcaloïde, et enfin par quelques essais de Bouchardat qui prétend…