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Mais déjà les domestiques arrivaient un à un.

Presque tous étaient au service de Sauvresy depuis de longues années déjà, et ils l’aimaient, c’était un bon maître. En le voyant sur son lit, hâve, défait, portant déjà sur sa figure l’empreinte de la mort, ils étaient émus, ils pleuraient.

Alors, Sauvresy dont les forces étaient vraiment à bout, se mit à leur parler d’une voix à peine distincte et entrecoupée de hoquets sinistres. Il avait tenu, disait-il, à les remercier de leur attachement à sa personne, et à leur apprendre que par ses dernières dispositions il leur laissait à chacun une petite fortune.

Puis arrivant à Berthe et à Hector, il poursuivait :

— Vous avez été témoins, mes amis, des soins dont j’ai été l’objet de la part de cet ami incomparable et de ma Berthe adorée. Vous avez vu leur dévoûment. Hélas ! je sais quels seront leurs regrets ! Mais s’ils veulent adoucir mes derniers instants et me faire une mort heureuse, ils se rendront à la prière que je ne cesse de leur adresser, ils me jureront de s’épouser après ma mort. Oh ! mes amis bien aimés, cela vous semble cruel en ce moment ; mais ne savez-vous pas que toute douleur humaine s’émousse. Vous êtes jeunes, la vie a encore bien des félicités pour vous. Je vous en conjure, rendez-vous aux vœux d’un mourant.

Il fallait se rendre. Ils s’approchèrent du lit et Sauvresy mit la main de Berthe dans celle d’Hector :

— Vous jurez de m’obéir ? demanda-t-il.

Ils frissonnaient à se tenir ainsi, ils semblaient près de s’évanouir. Cependant ils répondirent, et on put les entendre :

— Nous le jurons.

Les domestiques s’étaient retirés, navrés de cette scène déchirante, et Berthe murmurait :

— Oh ! c’est infâme, c’est horrible !

— Infâme, oui, murmura Sauvresy, mais non plus infâme que tes caresses, Berthe, que tes poignées de main,