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à cent lieues du Valfeuillu, il ne répondait que par monosyllabes : oui, non, peut-être.

Et le brave maire se donnait une peine infinie : il allait, venait, prenait des mesures, inspectait minutieusement le terrain.

Il n’y avait pas à cet endroit plus d’un pied d’eau. Un banc de vase, sur lequel poussaient des touffes de glaïeuls et quelques maigres nénuphars, allait, en pente douce, du bord au milieu de la rivière. L’eau était fort claire, le courant nul ; on voyait fort bien la vase lisse et luisante.

M. Courtois en était là de ses investigations lorsqu’il parut frappé d’une idée subite.

— La Ripaille, s’écria-t-il, approchez.

Le vieux maraudeur obéit.

— Vous dites donc, interrogea le maire, que c’est de votre bateau que vous avez aperçu le corps ?

— Oui, monsieur le maire.

— Où est-il, votre bateau ?

— Là, amarré à la prairie.

— Eh bien, conduisez-nous-y.

Pour tous les assistants, il fut visible que cet ordre impressionnait vivement le bonhomme. Il tressaillit et pâlit sous l’épaisse couche de hâle déposée sur ses joues par la pluie et le soleil. Même, on le surprit jetant à son fils un regard qui parut menaçant.

— Marchons, répondit-il enfin.

On allait regagner la maison, lorsque le valet de chambre proposa de franchir la douve.

— Ce sera bien plus vite fait, dit-il, je cours chercher une échelle que nous mettrons en travers.

Il partit, et une minute après reparut avec sa passerelle improvisée. Mais au moment où il allait la placer :

— Arrêtez, lui cria le maire, arrêtez !…

Les empreintes laissées par les Bertaud sur les deux côtés du fossé venaient de lui sauter aux yeux.

— Qu’est ceci ! dit-il ; évidemment on a passé par là,