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Elle eut l’espoir que peut-être elle parviendrait à le faire revenir sur ses résolutions, qu’elle obtiendrait son pardon. Elle se rappelait le temps où elle était toute puissante, le temps où son regard fondait les résolutions de cet homme qui l’adorait.

Elle s’agenouilla devant le lit.

Jamais elle n’avait été si belle, si séduisante, si irrésistible. Les poignantes émotions de la soirée avaient fait monter toute son âme à son front, ses beaux yeux noyés de larmes suppliaient, sa gorge haletait, sa bouche s’entr’ouvrait comme pour des baisers, cette passion pour Sauvresy née dans la fièvre éclatait en délire.

— Clément, balbutiait-elle, d’une voix pleine de caresses, énervante, lascive, mon mari, Clément !…

Il abaissa sur elle un regard de haine.

— Que veux-tu ?

Elle ne savait comment commencer, elle hésitait, elle tremblait, elle se troublait… elle aimait.

— Hector ne saurait pas mourir, fit-elle, mais moi…

— Quoi, que veux-tu dire ? parle.

— C’est moi, misérable, qui te tue, je ne te survivrai pas.

Une inexprimable angoisse contracta les traits de Sauvresy. Elle, se tuer ! Mais alors, c’en était fait de sa vengeance ; sa mort, à lui, ne serait plus qu’un suicide absurde, ridicule, grotesque. Et il savait que le courage ne manquerait pas à Berthe au dernier moment.

Elle attendait, il réfléchissait.

— Tu es libre, répondit-il enfin, ce sera un dernier sacrifice à ton amant. Toi morte, Trémorel épousera Laurence Courtois et, dans un an, il aura oublié jusqu’au souvenir de notre nom.

D’un bond, Berthe fut debout, terrible. Elle voyait Trémorel marié, heureux !…

Un sourire de triomphe, pareil à un rayon de soleil, éclaira le pâle visage de Sauvresy. Il avait touché juste. Il pouvait s’endormir en paix dans sa vengeance. Berthe vivrait. Il savait quels ennemis il laissait en présence.