Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.

main sous les oreillers et en retira un revolver dont il dirigea le canon vers Hector, en criant :

— N’approche pas.

Il avait cru que Trémorel allait se précipiter sur lui, et, puisque le poison était découvert, l’étrangler, l’étouffer.

Il se trompait. Hector se sentait devenir fou. Il retomba comme une masse.

Berthe, plus forte, essayait de se débattre, s’efforçant de secouer les torpeurs de l’épouvante qui l’envahissait.

— Tu es plus mal, mon Clément, disait-elle, c’est encore cette affreuse fièvre qui me fait tant de peur qui te reprend. Le délire…

— Ai-je vraiment le délire ? interrompit-il d’un air surpris.

— Hélas ! oui, mon bien-aimé, c’est lui qui te hante, qui peuple d’horribles visions ta pauvre tête malade.

Il la regarda curieusement. Réellement, il était stupéfait de cette audace qui croissait avec les circonstances…

— Quoi ! ce serait nous qui te sommes si chers, tes amis, moi ta…

L’implacable regard de son mari la força, oui la força de s’arrêter, les paroles expirèrent sur ses lèvres.

— Assez de mensonges, va, Berthe, reprit Sauvresy, ils sont inutiles. Non, je n’ai pas rêvé, non, je n’ai pas eu le délire. Le poison n’est que trop réel et je pourrais te le nommer sans le retirer de ta poche.

Elle recula épouvantée comme si elle eût vu la main de son mari étendue pour lui arracher le flacon de cristal bleu.

— Je l’ai deviné et reconnu dès le premier moment, car vous avez choisi un de ces poisons qui ne laissent guère de traces, il est vrai, mais dont les indices ne trompent pas. Vous souvient-il du jour où je me suis plaint d’une saveur poivrée ? Le lendemain j’étais fixé, et j’ai failli ne pas l’être seul. Le docteur R… a eu un doute.