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— Vous penserez plus d’une fois à Sauvresy, fit-il d’une voix sombre.

Elle fit une roulade : prrrr, et vivement répondit :

— À lui ? quand et pourquoi faire ? Ah ! son souvenir ne sera pas lourd. J’espère bien que nous ne cesserons pas d’habiter le Valfeuillu qui me plaît, seulement nous aurons un hôtel à Paris, le vôtre que nous rachèterons. Quel bonheur, mon Hector, quelle félicité !

La seule perspective de ce bonheur entrevu l’épouvantait à ce point de lui inspirer un bon mouvement.

Il espéra toucher Berthe.

— Une dernière fois, je vous en conjure, lui dit-il, renoncez à ce terrible, à ce dangereux projet. Vous voyez bien que vous vous abusiez, que Sauvresy ne se doute de rien, qu’il vous aime toujours.

L’expression de la physionomie de la jeune femme changea brusquement, elle restait pensive.

— Ne parlons plus de cela, dit-elle enfin. Il se peut que je me trompe. Il se peut qu’il n’ait que des doutes, il se peut que, même ayant découvert quelque chose, il espère me ramener à force de bonté. C’est que voyez-vous…

Elle se tut. Peut-être ne voulait-elle pas l’effrayer.

Il ne l’était déjà que trop. Le lendemain, ne pouvant supporter la vue de cette agonie, craignant sans cesse de se trahir, il partit pour Melun sans rien dire. Mais il avait laissé son adresse, et, sur un mot d’elle, lâchement il revint. Sauvresy le redemandait à grands cris.

Elle lui avait écrit une lettre d’une inconcevable imprudence, absurde, qui lui fit dresser les cheveux sur la tête.

Il comptait à son retour lui adresser des reproches, c’est elle qui lui en adressa.

— Pourquoi cette fuite ?

— Je ne saurais rester ici, je souffre, je tremble, je meurs.

— Quel lâche vous faites ! dit-elle.

Il voulait répliquer, mais elle mit un doigt sur sa bouche, en montrant de l’autre main la porte de la pièce voisine.