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core, qui défient toutes les analyses ; un de ces poisons dont bien des médecins, à cette heure, et je parle des vrais, des savants, ne sauraient seulement pas dire les symptômes.

— Mais où avez-vous pris…

Il s’arrêta net devant ce mot : poison ; il n’osait le prononcer.

— Qui vous a donné cela ? reprit-il.

— Que vous importe ! J’ai su prendre de telles précautions que celui qui me l’a donné court les mêmes dangers que moi, et il le sait. Donc, rien à craindre de ce côté. Je l’ai payé assez cher pour qu’il n’ait jamais l’ombre d’un regret.

Une objection abominable lui vint sur les lèvres. Il avait envie de dire : « C’est bien lent ! » Il n’eut pas ce courage, mais elle lut sa pensée dans ses yeux.

— C’est bien lent parce que cela me convient ainsi, dit-elle. Avant tout, il faut que je sache à quoi m’en tenir au sujet du testament, et j’y travaille.

Elle ne s’occupait que de cela, en effet, et pendant les longues heures qu’elle passait près du lit de Sauvresy, peu à peu, avec des nuances insaisissables à force de délicatesse, avec les plus infinies précautions, elle amenait la pensée défiante du malade à ses dispositions dernières.

Si bien que lui-même il aborda ce sujet d’un si poignant intérêt pour Berthe.

Il ne comprenait pas, disait-il, qu’on n’eût pas toujours ses affaires en ordre, et ses volontés suprêmes écrites, en cas de malheur. Qu’importe qu’on soit bien portant ou malade ?

Aux premiers mots, Berthe essaya de l’arrêter. De telles idées lui faisaient, gémissait-elle, trop de peine.

Même, elle pleurait des larmes très-réelles, qui glissaient, brillantes comme des diamants, le long de ses joues et la rendaient plus belle et plus irrésistible, des larmes vraies, qui mouillaient son mouchoir de fine batiste.