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Il se disait que Berthe ne pouvait songer à l’épouser au lendemain de la mort de son mari. Des mois se passeraient, une année entière, et après il saurait encore gagner du temps. Enfin, un jour, il signifierait ses volontés.

Qu’aurait-elle à dire ? Parlerait-elle du crime ? Voudrait-elle le compromettre comme complice ? Qui la croirait ? Comment arriverait-elle à prouver que lui, aimant et épousant une autre femme, avait intérêt à la mort de Sauvresy ? On ne tue pas un homme, son ami, pour son plaisir. Provoquerait-elle une exhumation ?

Elle se trouvait actuellement, supposait-il, dans une de ces crises qui ne souffrent ni le libre arbitre, ni l’exercice de la raison.

Plus tard, elle réfléchirait, et alors elle serait arrêtée par la seule probabilité de dangers dont la certitude, en ce moment, ne l’effrayait aucunement.

Il ne voulait d’elle pour femme à aucun prix, jamais.

Il l’eût détestée riche à millions, il la haïssait pauvre, ruinée, réduite à ses propres moyens. Et elle pouvait être ruinée, elle, devait l’être, si on admettait que Sauvresy fût instruit de tout.

Attendre ne l’inquiétait pas. Il se savait assez aimé de Laurence pour être sûr qu’elle l’attendrait un an, trois ans s’il le fallait.

Déjà, il exerçait sur elle un empire d’autant plus absolu qu’elle ne cherchait ni à combattre, ni à repousser cette pensée d’Hector qui doucement l’envahissait, pénétrait tout son être, remplissait son cœur et son intelligence.

Hector, en y appliquant tout l’effort de sa réflexion, se disait que peut-être, dans l’intérêt de sa passion, autant valait que Berthe agît comme elle le faisait.

Il s’efforçait de dompter les révoltes de sa conscience, en se prouvant qu’en somme il n’était pas coupable.

De qui venait l’idée ? D’elle. Qui l’exécutait ? Elle seule.

On ne pouvait lui reprocher qu’une complicité morale,