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Hector. Il voulait que tout le monde sût bien leur dévoûment. Il ne les appelait que ses « anges gardiens, » bénissant le ciel de lui avoir donné une telle femme et un tel ami.

Avec tout cela, si grave était son état que l’optimisme de Trémorel commençait à désespérer. Ses alarmes étaient vives. Quelle situation lui ferait la mort probable de son ami ? Berthe, veuve, deviendrait implacable, elle serait libre de tout oser, et que n’oserait-elle pas ?

Il se promit qu’à la première occasion il s’efforcerait de démêler les sentiments exacts de Mme Sauvresy. Elle vint d’elle-même au-devant de ses intentions.

C’était dans l’après-midi, le père Plantat était près du malade, ils avaient la certitude de n’être ni écoutés, ni interrompus.

— Il me faut un conseil, Hector, commença Berthe, et seul vous pouvez me le donner. Comment savoir si, dans ces derniers jours, Clément n’a pas changé ses dispositions à mon égard ?

— Ses dispositions ?

— Oui. Je vous ai dit que par un testament dont j’ai la copie, Sauvresy me lègue toute sa fortune. Je tremble qu’il ne l’ait révoqué.

— Quelle idée !

— Ah ! j’ai des raisons pour craindre. Est-ce que la présence au Valfeuillu de tous ces gens de loi ne trahit pas quelque machination perfide ? Savez-vous que d’un trait de plume cet homme peut me ruiner. Savez-vous qu’il peut m’enlever ses millions et me réduire aux cinquante mille francs de ma dot !

— Mais il ne le fera pas, répondit-il, cherchant sottement à la rassurer, il vous aime…

— Qui vous le garantit ? interrompit-elle brusquement. Je vous ai annoncé trois millions, c’est trois millions qu’il me faut, non pour moi, Hector, mais pour vous ; je les veux, je les aurai. Mais comment savoir, comment savoir ?…

L’indignation de Trémorel était grande. Voilà donc