Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rien ne pouvait atténuer, lui faisait sans cesse ouvrir et fermer la bouche. Il ressentait une agitation inquiète qui se traduisait par des insomnies dont la morphine à hautes doses ne triomphait pas. Enfin, il éprouvait un affaissement mortel et un froid de plus en plus intense, venant non de l’extérieur mais de l’intérieur, comme si la température du corps eut graduellement diminué.

Quant au délire, il avait complètement disparu, et le malade conservait la parfaite lucidité de son intelligence.

Au milieu de telles épreuves, Sauvresy montrait la plus indomptable vaillance, réagissant tant qu’il pouvait contre la douleur.

Jamais il n’avait paru attacher une importance si grande à l’administration de son immense fortune. Perpétuellement il était en conférence avec des gens d’affaires. Il mandait à tout propos des notaires et des avocats et s’enfermait avec eux des journées entières.

Puis, sous prétexte qu’il lui fallait des distractions, il recevait tous les gens d’Orcival qui le venaient voir, et quand par hasard il n’avait pas de visiteur, vite il envoyait chercher quelqu’un, assurant que seul il ne pouvait s’empêcher de songer à son mal, souffrant par là même bien davantage.

De ce qu’il faisait, de ce qu’il tramait, pas un mot, et Berthe, réduite aux conjectures, était dévorée d’anxiété.

Souvent, lorsqu’un homme d’affaires était resté avec son mari plusieurs heures, elle le guettait à sa sortie, et se faisant aussi aimable, aussi séduisante que possible, elle mettait en œuvre toute sa finesse pour obtenir quelque renseignement qui l’éclairât.

Mais nul de ceux auxquels elle s’adressait ne pouvait ou ne voulait rassurer sa curiosité. Ils n’avaient tous que des réponses vagues, soit que Sauvresy leur eût recommandé la discrétion, soit qu’en effet, ils n’eussent rien à dire.

Personne, d’ailleurs, n’entendit Sauvresy se plaindre. Ses conversations roulaient d’habitude sur Berthe et sur