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— Ce ne peut-être Clément, dit enfin Berthe, il dormait lorsque je suis sortie, et il dort encore maintenant du sommeil le plus calme et le plus profond.

Penché sur son lit, Sauvresy écoutait ceux qui étaient devenus ses ennemis les plus abhorrés. Il maudissait son imprudence, comprenant bien qu’il n’était pas fait pour les machinations perfides.

— Pourvu, pensait-il, qu’ils n’aient pas l’idée de visiter ma robe de chambre et de chercher mes sandales.

Heureusement cette idée si simple ne leur vint pas, et ils se séparèrent après avoir tout fait pour se rassurer mutuellement. Mais chacun, au fond de son âme, emportait un doute poignant.

Cette nuit-là même, Sauvresy eut une crise affreuse. Après cette lueur de raison, le délire, cet hôte terrible, emplit de nouveau son cerveau de ses fantômes.

Le docteur R…, le lendemain matin, le déclara plus en danger que jamais ; à ce point, qu’il expédia une dépêche à Paris pour prévenir de son absence, et annonça qu’il allait rester deux ou trois jours au Valfeuillu.

Le mal redoublait de violence, mais sa marche devenait de plus en plus certaine. Les symptômes les plus contradictoires se produisaient. C’était chaque jour un phénomène nouveau, déconcertant toutes les prévisions des médecins.

C’est qu’aussitôt que Sauvresy avait une heure de rémission, il revoyait l’abominable scène de la fenêtre, et le mieux s’envolait.

Il ne s’était d’ailleurs pas trompé. Berthe avait, ce soir-là, une grâce à demander à Hector.

Le maire d’Orcival devait, le surlendemain, se rendre à Fontainebleau avec toute sa famille, et il avait proposé au comte de Trémorel de l’accompagner. Hector avait accepté l’offre avec empressement, on devait atteler à une grande voiture de chasse quatre chevaux qu’il conduirait à grandes guides, M. Courtois ayant, — et avec raison, — la plus grande confiance en son habileté.