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je n’ai jamais attendu qu’elle me demandât rien. J’ai passé ma vie à épier ses moindres fantaisies pour les prévenir. Peut-être est-ce là ce qui m’a perdu ?

Hector s’obstinait et Berthe peu à peu s’animait, elle devait être en colère. Elle reculait, étendant le bras, le buste en arrière ; elle le menaçait.

Enfin, il était vaincu. De la tête il fit : « Oui. »

Alors elle se précipita, elle se jeta sur lui, les bras ouverts et les deux ombres se confondirent en une longue étreinte.

Sauvresy ne put retenir un cri terrible qui se perdit au milieu des mugissements du vent.

Il avait demandé une certitude ; il l’avait. La vérité éclatait, indiscutable, évidente. Il n’avait plus à rien chercher, maintenant, rien, que le moyen de punir sûrement, terriblement.

Berthe et Hector causaient amicalement, elle appuyée contre sa poitrine, lui baissant la tête par moments pour embrasser ses beaux cheveux.

Sauvresy comprit qu’elle allait descendre, qu’il ne pouvait songer à aller chercher la lettre et en toute hâte il rentra, oubliant, tant il redoutait d’être surpris, de remettre les verrous à la porte du jardin.

Ce n’est qu’une fois arrivé dans sa chambre qu’il s’aperçut qu’il était resté les pieds nus dans la neige ; même il gardait quelques gros flocons à ses sandales, et elles étaient toutes mouillées. Vivement il les lança sous le lit tout au fond, et se recoucha, faisant semblant de dormir.

Il était temps : Berthe rentrait. Elle s’approcha de son mari, et croyant qu’il ne s’était pas réveillé, elle revint prendre sa broderie près du feu.

Elle n’avait pas fait dix points que Trémorel reparut. Il n’avait pas pensé à monter son journal et revenait le chercher. Il semblait inquiet.

— Êtes-vous sortie, ce soir, madame ? lui demanda-t-il, de cette voix chuchotante qu’on prend involontairement dans la chambre des malades.