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preuves nouvelles lui arrivaient sans qu’il les eût cherchées.

Quelle raison l’amenait, dans cette chambre, à cette heure ? Elle parlait avec une certaine animation.

Il lui semblait entendre cette voix pleine et sonore, tantôt timbrée comme le métal, tantôt molle et caressante, et qui faisait vibrer en lui toutes les cordes de la passion. Il revoyait ces yeux si beaux qui avaient régné despotiquement sur son cœur et dont il pensait connaître si bien toutes les expressions.

Mais que faisait-elle ?

Sans doute elle était venue demander quelque chose à Hector, il le lui refusait, et voici qu’elle le priait. Oui, elle le priait, et Sauvresy le devinait bien aux gestes de Berthe, qui nettement se reproduisaient sur la mousseline, comme le spectre noir des ombres chinoises sur le papier huilé. Il connaissait si bien ce geste ravissant de supplication qui lui était familier, quand elle désirait obtenir quelque chose ! Elle levait ses deux mains jointes à la hauteur de son front, inclinait la tête, fermant à demi les yeux pour en redoubler l’éclat. Quelle langueur voluptueuse avait sa voix quand elle disait :

— Dis, mon bon Clément, tu veux bien n’est-ce pas ? tu veux bien !…

Et c’est pour un autre homme qu’elle avait ce geste charmant, ce regard, ces intonations.

Sauvresy fut obligé de s’appuyer à un arbre pour ne pas tomber.

Évidemment Hector lui refusait ce qu’elle souhaitait. Elle agitait maintenant l’index relevé de la main droite, avec des mouvements mutins, hochant la tête d’un air de bouderie. Elle devait lui dire :

— Tu ne veux pas, tu vois, tu ne veux pas…

Cependant, elle revenait à la prière.

— Ah ! pensait Sauvresy, il sait résister à une prière de sa bouche ; je n’ai jamais eu ce courage, moi. Il peut garder sa raison, son sang-froid, sa volonté, quand elle le regarde. Je ne lui ai jamais dit non, moi, ou plutôt