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— Pourquoi m’a-t-on porté ici ?

— C’est toi qui l’as voulu.

Trémorel à son tour s’était approché.

— Et bien voulu même, affirma-t-il, tu refusais de rester là-haut, tu t’y démenais comme un diable dans un bénitier.

— Ah !

— Mais ne te fatigue pas, reprit Hector, rendors-toi et demain tu seras guéri. Et bonne nuit, je vais me coucher bien vite pour venir relever ta femme demain à quatre heures.

Il se retira, et Berthe, après avoir donné à boire à son mari, regagna sa place.

— Quel ami incomparable que M. de Trémorel ! murmurait-elle.

Sauvresy ne répondit pas à cette exclamation si affreusement ironique. Il avait refermé les yeux. Il faisait semblant de dormir et songeait à la lettre. Qu’en avait-il fait ? Il se rappelait fort bien l’avoir pliée soigneusement et serrée dans la poche du côté droit de son gilet. Il lui fallait cette lettre. Tombée aux mains de sa femme elle compromettait sa vengeance, et elle pouvait y tomber d’un moment à l’autre. C’était miracle que son valet de chambre ne l’eût pas posée sur la cheminée comme il faisait de tous les objets qu’il trouvait dans ses poches. Il songeait aux moyens de la ravoir, à la possibilité de monter à sa chambre où devait se trouver son gilet, lorsque doucement Berthe se leva. Elle vint au lit et murmura bien bas :

— Clément ! Clément !

Il n’ouvrit pas les yeux, et persuadée qu’il dormait, légère, sur la pointe des pieds, retenant son souffle, elle sortit.

— Oh ! la misérable ! fit Sauvresy, elle va rejoindre son amant.

En même temps, avec l’idée de se venger, la nécessité de rentrer en possession de la lettre se présentait à son esprit, plus poignante, plus impérieuse.