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Le troisième jour, il eut une fantaisie singulière. Il ne voulait pas absolument rester dans sa chambre. Il criait comme un fou :

— Emportez-moi d’ici, emportez-moi d’ici.

Sur les conseils du médecin, on se rendit à ses désirs et on lui dressa un lit dans le petit salon du rez-de-chaussée qui donne sur le jardin.

Mais la fièvre ne lui arracha pas un mot ayant trait à ses soupçons. Peut-être, ainsi que l’a indiqué Bichat, une ferme volonté peut-elle régler jusqu’au délire.

Enfin, le neuvième jour, dans l’après-midi, la fièvre céda. Sa respiration haletante devint plus calme, il s’endormit. Il avait toute sa raison lorsqu’il se réveilla.

Ce fut un moment affreux. Il lui fallait pour ainsi dire rapprendre son malheur. Il crut d’abord que c’était le souvenir d’un cauchemar odieux, qui lui revenait. Mais non. Il n’avait pas rêvé. Il se rappelait l’hôtel de la Belle Image, miss Fancy, les bois de Mauprévoir et la lettre. Qu’était-elle devenue, cette lettre ?

Puis, comme il avait la certitude vague d’une maladie grave, d’accès de délire, il se demandait, s’il n’avait pas parlé. Cette inquiétude l’empêcha de faire le plus léger mouvement, et c’est avec des précautions infinies, doucement, qu’il se risqua à ouvrir les yeux.

Il était onze heures du soir, tous les domestiques étaient couchés. Seuls, Hector et Berthe veillaient. Il lisait un journal, elle travaillait à un ouvrage de crochet.

À leur calme physionomie, Sauvresy comprit qu’il n’avait rien dit. Mais pourquoi était-il dans cette pièce ?

Il fit un léger mouvement, et aussitôt Berthe se leva et vint à lui.

— Comment te trouves-tu, mon bon Clément ? demanda-t-elle en l’embrassant tendrement sur le front.

— Je ne souffre pas.

— Vois, pourtant, les suites d’une imprudence.

— Depuis combien de jours suis-je malade ?

— Depuis huit jours.