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— Quoi ?

— Mon mari a quelque chose d’extraordinaire.

— C’est fort possible, après être resté toute la journée sous la pluie.

— Non. Son œil avait une expression que je ne lui connais pas.

— Il m’a semblé à moi fort gai, comme toujours.

— Hector !… mon mari a un soupçon.

— Lui ! Ah ! le pauvre cher ami, il a bien trop confiance en nous, pour songer à être jaloux.

— Vous vous trompez, Hector, il ne m’a pas embrassée en rentrant, et c’est la première fois depuis notre mariage.

Ainsi, pour son début, il avait commis une faute. Il l’avait fort bien sentie ; mais embrasser Berthe en ce moment était au-dessus de ses forces.

Cependant, il était beaucoup plus souffrant qu’il ne l’avait dit et qu’il ne l’avait cru surtout.

Lorsque sa femme et son ami montèrent à sa chambre, après le dîner, ils le trouvèrent grelottant sous ses couvertures, rouge, le front brûlant, la gorge sèche, les yeux brillants d’un éclat inquiétant.

Bientôt une fièvre terrible le prit, accompagnée d’un affreux délire.

On envoya chercher un médecin qui tout d’abord déclara qu’il ne pouvait répondre de lui. Le lendemain il était au plus mal.

De ce moment le comte de Trémorel et Mme Sauvresy firent preuve du plus admirable dévoûment. Pensaient-ils ainsi racheter quelque chose de leur crime ? C’est douteux. Ils cherchaient, plus vraisemblablement, à en imposer à l’opinion publique, tout le monde s’intéressant à l’état de Sauvresy. Toujours est-il qu’ils ne le quittèrent pas une minute, passant les nuits à tour de rôle à son chevet.

Et certes, le veiller était pénible. Le délire, un délire furieux, ne le quittait pas. À deux ou trois reprises, il fallut employer la force pour le maintenir dans son lit, il voulait se jeter par la fenêtre.