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Il la lâcha, restant debout, devant elle, pendant qu’elle fouillait dans toutes ses poches.

Ses cheveux, dans la lutte, s’étaient dénoués, sa collerette était déchirée, elle était livide, ses dents claquaient, mais ses yeux brillaient d’une audace et d’une résolution viriles.

Tout en paraissant chercher, elle murmurait :

— Attendez… la, voilà… Non. C’est singulier, je suis pourtant sûre de l’avoir, je la tenais il n’y a qu’un instant…

Et tout à coup, d’un geste plus prompt que l’éclair, elle porta à sa bouche la lettre qu’elle avait roulée en boule, essayant de l’avaler.

Elle ne le put, Sauvresy lui serrait la gorge à l’étrangler. Elle râla, puis poussa un cri étouffé :

— Ah !…

Enfin ! il était le maître de cette lettre.

Il fut plus d’une minute à l’ouvrir, tant ses mains tremblaient ; pourtant il l’ouvrit.

— Ah ! ses soupçons étaient justes, il ne s’était pas trompé.

C’était bien l’écriture de Berthe.

Il eut une sensation horrible, indescriptible, un vertige, puis une épouvantable commotion, la sensation d’un homme qui, d’une hauteur vertigineuse, serait précipité à terre, et se rendraient compte de la chute et du choc. Il n’y voyait plus clair ; il avait comme un nuage rouge devant les yeux ; ses jambes se dérobaient sous lui, il chancelait, et ses mains battaient l’air cherchant un point d’appui.

Un peu revenu à elle, Jenny l’épiait du coin de l’œil, elle pensa qu’il allait tomber et s’élança pour le soutenir. Mais le contact de cette femme lui fit horreur, il la repoussa.

Qu’était-il arrivé ? Il n’eût su le dire. Ah ! il voulait lire cette lettre et il ne pouvait pas. Alors, il s’approcha de la table, se versa et but coup sur coup deux grands verres d’eau. L’impression du froid le ranimait, le sang