Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Chez moi, à Paris.

— Partons alors, venez.

Elle se sentait prise. Et elle ne trouvait, elle si fine, elle si rouée, comme elle se plaisait à le dire, ni une ruse, ni un expédient. Il lui était bien facile, cependant, de suivre Sauvresy, d’endormir ses soupçons à force de gaieté, puis, une fois dans les rues de Paris, de le perdre, de s’esquiver.

Non, elle ne songeait pas à cela, elle ne songeait qu’à fuir vite, sur-le-champ. Elle crut qu’elle aurait le temps de gagner la porte, de l’ouvrir, de se jeter dans les escaliers… elle se précipita.

D’un bond, Sauvresy fut sur elle, refermant la porte déjà entr’ouverte, d’un coup de pied qui ébranla les cloisons.

— Misérable femme ! disait-il, d’une voix rauque et sourde, misérable créature, tu veux donc que je t’écrase !

D’un mouvement terrible, la repoussant, il la lança dans un fauteuil. Puis donnant un double tour à la porte il mit la clé dans sa poche.

— Maintenant, reprit-il, revenant à Fancy, la lettre.

De sa vie, la pauvre fille n’avait éprouvé une terreur pareille. La colère de cet homme l’épouvantait, elle comprenait qu’il était hors de lui, qu’elle était entre ses mains, à sa merci, qu’elle pouvait être brisée, et cependant elle se débattait encore.

— Vous m’avez fait mal, murmurait-elle, essayant la puissance de ses larmes, bien mal, je ne vous ai cependant rien fait.

Il lui reprit les poignets, et se penchant sur elle jusqu’à effleurer son visage :

— Une dernière fois, dit-il, cette lettre, donne-la-moi ou je la prends de force.

Résister plus longtemps était folie. Par bonheur, elle n’eut pas l’idée de crier, on serait venu et peut-être en était-ce fait d’elle.

— Lâchez-moi, répondit-elle, vous allez l’avoir.