— Je vois, ma chère enfant, recommença-t-il, que vous ne m’avez ni compris ni même écouté. Je vous l’ai dit, Hector a un mariage en vue.
— Lui ! répondit Fancy, avec un de ces gestes ironiques du boulevard, qui sont l’argot du geste, lui se marier !
Elle réfléchit un moment et ajouta :
— Si c’était vrai, pourtant ?…
— Je vous l’affirme, prononça Sauvresy.
— Non, s’écria Jenny, non, mille fois non, ce n’est pas possible. Il a une maîtresse, je le sais, j’en suis sûre, j’ai des preuves.
Un sourire de Sauvresy triompha d’une hésitation qui l’avait arrêtée.
— Qu’est-ce donc alors, reprit-elle avec violence, que cette lettre que j’ai trouvée dans sa poche il y a plus de six mois ? Elle n’est pas signée, c’est vrai, mais elle ne peut venir que d’une femme.
— Une lettre ?
— Oui, et qui ne laisse pas de doutes. Vous vous demandez comment je ne lui en ai pas parlé ? Ah ! voilà, je n’ai pas osé. Je l’aime, j’ai été lâche. Je me suis dit : Si je parle, et que vraiment il aime l’autre, c’est fini, je le perds. Entre le partage et l’abandon, j’ai choisi un partage ignoble. Et je me suis tue, je me résignais à l’humiliation, je me cachais pour pleurer, je l’embrassais d’un air riant pendant que sur son front je cherchais la place des baisers de l’autre. Je me disais : il me reviendra. Pauvre folle ! Et je ne le disputerais pas à cette femme qui m’a tant fait souffrir.
— Eh ! mon enfant, que voulez-vous faire ?
— Moi ? Je n’en sais rien ; tout. Je n’ai rien dit de cette lettre, mais je l’ai gardée : c’est mon arme à moi. Je m’en servirai. Quand je le voudrai bien, je saurai de qui elle est, et alors…
— Vous forcerez Trémorel, si bien disposé pour vous, à user de moyens violents.
— Lui ! Que peut-il contre moi ? Je m’attacherai à lui,