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— Croirais-tu, disait-il en riant, qu’il en est à trouver ce brave Courtois amusant et spirituel ! Ah ! les amoureux chaussent de singulières lunettes ! Il passe avec lui tous les jours deux ou trois heures à la mairie. Mais que diable, fais-tu dans ce cabinet ? m’entends-tu.

Au prix d’efforts surhumains, Berthe avait réussi à dominer son trouble affreux ; elle reparut la physionomie presque souriante.

Elle allait et venait, calme en apparence, déchirée par les pires angoisses qu’une femme puisse endurer.

Et ne pouvoir courir à Hector pour savoir, de sa bouche la vérité !

Car Sauvresy devait mentir, il la trompait. Pourquoi ? Elle n’en savait rien. N’importe. Et elle sentait son aversion pour lui redoubler jusqu’au dégoût. Car elle excusait son amant, elle le pardonnait, et c’est à son mari seul qu’elle s’en prenait. Qui avait eu l’idée de ce mariage ? Lui. Qui avait éveillé les espérances d’Hector, qui les encourageait ? Lui, toujours lui.

Ah ! tant qu’il était resté inoffensif, elle avait pu lui pardonner de l’avoir épousée ; elle se contraignait à le subir, elle se résignait à feindre un amour bien loin de son cœur. Mais voici qu’il devenait nuisible. Supporterait-elle, que bêtement, par caprice, il rompît une liaison qui était sa vie à elle. Après l’avoir traîné comme un boulet, allait-elle le trouver en travers de son bonheur !

Elle ne ferma pas l’œil. Elle eut une de ces nuits horribles pendant lesquelles se conçoivent les crimes.

Ce n’est qu’après le déjeuner, le lendemain, qu’elle put se trouver seule avec Hector, dans la salle de billard.

— Est-ce vrai ? demanda-t-elle.

L’expression de son visage était si atroce qu’il eut peur. Il balbutia :

— Vrai… quoi ?

— Votre mariage.

Il se tut d’abord, se demandant s’il devait accepter