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leurs, fort capable de remplir. Avant tout, il faut plaire à Laurence. Son père l’adore, et il ne la donnerait pas, j’en suis sûr, à un homme qu’elle n’aurait pas choisi.

— Sois tranquille, répondit Hector avec un geste triomphant, elle m’aimera.

Et, dès le lendemain, en effet, il prit ses mesures pour rencontrer M. Courtois, qui l’emmena visiter des poulains qu’il venait d’acheter et qui finit par l’inviter à dîner.

Pour Laurence, le comte de Trémorel déploya toutes ses séductions, superficielles, il est vrai et de mauvais aloi, mais si brillantes, si habiles, qu’elles devaient surprendre, éblouir et charmer une jeune fille.

Bientôt, dans la maison du maire d’Orcival, on ne jura plus que par ce cher comte de Trémorel.

Il n’y avait rien encore d’officiel, il n’y avait eu ni une ouverture, ni une démarche, ni même une allusion, et pourtant M. Courtois comptait bien qu’Hector, un de ces jours, lui demanderait la main de sa fille, et il se réjouissait d’autant plus de répondre : oui, qu’il pensait bien que Laurence ne dirait pas : non.

Et Berthe ne se doutait de rien.

Berthe, lorsqu’un danger si grand menaçait, ce qu’elle appelait « son bonheur, » en était encore à s’inquiéter de miss Jenny Fancy.

C’est après une soirée chez M. Courtois, soirée pendant laquelle le prudent Hector n’avait pas quitté une table de whist, que Sauvresy se décida à parler à sa femme de ce mariage dont il se proposait de lui faire une agréable surprise.

Elle pâlit dès les premiers mots. Si grande fut son émotion, que sentant qu’elle allait se trahir, elle n’eut que le temps de se jeter dans son cabinet de toilette.

Tranquillement assis dans un des fauteuils de la chambre à coucher, Sauvresy continuait à exposer les avantages considérables de ce mariage, haussant la voix pour que sa femme l’entendît de la pièce voisine.

— Vois-tu, d’ici, disait-il, notre ami à la tête de soixante