Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

juge de paix, comme pour lui recommander l’attention, et continua à interroger.

— Et ce Guespin, comme vous le nommez, l’avez-vous revu.

— Non, monsieur, j’ai même plusieurs fois demandé inutilement de ses nouvelles pendant la nuit ; son absence me paraissait louche.

Évidemment la femme de chambre essayait de faire montre d’une perspicacité supérieure ; encore un peu elle eût parlé de pressentiments.

— Ce domestique, demanda M. Courtois, était-il depuis longtemps dans la maison ?

— Depuis le printemps.

— Quelles étaient ses attributions ?

— Il avait été envoyé de Paris par la maison du Gentil Jardinier pour soigner les fleurs rares de la serre de madame.

— Et… avait-il eu connaissance de l’argent ?

Les domestiques eurent encore des regards bien significatifs.

— Oui, oui ! répondirent-ils en chœur, nous en avions beaucoup causé entre nous à l’office.

— Même, ajouta la femme de chambre, belle parleuse, il m’a dit à moi-même, parlant à ma personne :

« — Dire que monsieur le comte a dans son secrétaire de quoi faire notre fortune à tous ! »

— Quelle espèce d’homme est-ce ?

Cette question éteignit absolument la loquacité des domestiques. Aucun n’osait parler, sentant bien que le moindre mot pouvait servir de base à une accusation terrible.

Mais le palefrenier de la maison d’en face, qui brûlait de se mêler à cette affaire, n’eut point ces scrupules.

— C’est, répondit-il, un bon garçon, Guespin, et qui a roulé. Dieu de Dieu ! en sait-il de ces histoires ! Il connaît tout, cet homme-là, il paraît qu’il a été riche dans le temps, et s’il voulait… Mais, dame ! il aime le