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Il avait peur en effet, et ne voulait pas se l’avouer. Il remit ses armes sur la table et revint s’asseoir près du feu. Tous ses membres tremblaient.

— C’est nerveux, se disait-il, ça va passer.

Et il se donna jusqu’à une heure.

Il faisait des efforts inouïs pour se prouver, pour se démontrer la nécessité du suicide. Que deviendrait-il, s’il ne se tuait pas ? Comment vivrait-il ? Lui faudrait-il donc se résigner à travailler !

Pouvait-il, d’ailleurs, reparaître, alors que, par la bouche de sa maîtresse, il avait annoncé son suicide à tout Paris ? Quelles huées, s’il se montrait, quels quolibets !

Il eut un mouvement de fureur qu’il prit pour un éclair de courage et il sauta sur ses pistolets. Le froid de l’acier sur sa peau lui causa une sensation telle, qu’il faillit s’évanouir, lâchant son arme qui retomba sur le lit.

— Je ne peux pas, répétait-il dans son angoisse, je ne peux pas.

La douleur physique lui faisait horreur. Tout son être se révoltait à cette idée d’une balle brutale qui déchirerait sa peau, labourerait ses chairs, broyant les muscles, brisant les os. Il tomberait sanglant, mutilé, et les débris de sa cervelle éclabousserait les murs.

Ah ! que n’avait-il cherché une mort plus douce ! Que n’avait-il choisi le poison, ou le charbon encore ; le charbon, comme le petit cuisinier de chez Vachette. Mais le ridicule d’outre-tombe ne l’épouvantait plus. Il n’avait peur que d’une chose, de n’avoir pas le courage de se tuer.

Et toujours de demi-heure en demi-heure il se remettait. Ce fut une nuit horrible, une agonie comme doit l’être celle des condamnés à mort dans leur cachot. Il pleura de douleur et de rage, il se tordit les mains, il cria grâce, il pria.

Enfin, au matin, brisé, anéanti, il s’endormit sur son fauteuil.