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côteau que baigne la Seine, Orcival a des maisons blanches, des ombrages délicieux et un clocher tout neuf qui fait son orgueil.

De tous côtés, de vastes propriétés de plaisance, entretenues à grands frais, l’entourent. De la hauteur, on aperçoit les girouettes de vingt châteaux.

À droite, ce sont les futaies de Mauprévoir, et le joli castel de la comtesse de la Brèche ; en face, de l’autre côté du fleuve, voici Mousseaux et Petit-Bourg, l’ancien domaine Aguado, devenu la propriété d’un carrossier illustre, M. Binder ; à gauche, ces beaux arbres sont au comte de Trémorel, ce grand parc est le parc d’Étiolles, et dans le lointain, tout là-bas, c’est Corbeil ; cet immense bâtiment, dont la toiture dépasse les grands chênes, c’est le moulin Darblay.

Le maire d’Orcival habite tout en haut du village une de ces maisons comme on en voit dans les rêves de cent mille livres de rentes.

Fabricant de toiles peintes autrefois, M. Courtois a débuté dans le commerce sans un sou vaillant, et, après trente années d’un labeur acharné, il s’est retiré avec quatre millions bien ronds.

Alors il se proposait de vivre bien tranquille, entre sa femme et ses filles, passant l’hiver à Paris et l’été à la campagne.

Mais voilà que tout à coup, on le vit inquiet et agité. L’ambition venait de le mordre au cœur. Il faisait cent démarches pour être forcé d’accepter la mairie d’Orcival. Et il l’a acceptée, bien à son corps défendant, ainsi qu’il vous le dira lui-même.

Cette mairie fait à la fois son bonheur et son désespoir :

Désespoir apparent, bonheur intime et réel.

Il est bien, lorsque le front chargé de nuages, il maudit les soucis du pouvoir, il est mieux lorsque le ventre ceint de l’écharpe à glands d’or, il triomphe à la tête du corps municipal.

Tout le monde dormait encore chez M. le maire, lors-