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poser monsieur le juge de paix bien mieux instruit que moi, je n’étais pas fâché de me venger un peu d’une discrétion, pour moi, incompréhensible.

— Et vous êtes vengé, fit en souriant le docteur Gendron.

— De l’autre côté du gazon, reprit M. Lecoq, le comte a de nouveau enlevé le cadavre. Mais alors, oubliant les effets de l’eau lorsqu’elle jaillit, ou, peut-être, qui sait, craignant de se mouiller, au lieu de pousser violemment le corps dans l’eau, il l’y dépose doucement, avec mille précautions.

Ce n’est pas tout : il veut qu’on croie à une lutte terrible entre la comtesse et les assassins. Que fait-il ? Du bout de son pied il fouille et raie le sable de l’allée. Et il croit que la police s’y trompera.

— Oui ! murmurait le père Plantat, c’est exact, c’est vrai, j’ai vu.

— Débarrassé du cadavre, le comte regagne la maison. L’heure presse, mais il veut encore chercher le titre maudit. Il se dépêche donc de prendre les dernières mesures qui assureront, croit-il, la réussite de ses projets.

Il prend ses pantoufles et un foulard qu’il tache de sang. Il jette sur le gazon son foulard et une de ses pantoufles, il lance l’autre au milieu de la Seine.

Sa précipitation nous explique la défectuosité et l’insuccès de ses manœuvres. Il se presse, il commet bévues sur bévues.

Les bouteilles qu’il place sur la table sont des bouteilles vides, il ne pense pas que son valet de chambre le dira. Il croit verser du vin dans cinq verres, il y verse du vinaigre qui prouvera que personne n’a bu.

Il remonte, il avance l’aiguille de la pendule, mais il l’avance trop, et il oublie d’ailleurs de mettre la sonnerie et les aiguilles d’accord.

Il défait le lit, mais le défait mal, et encore il ne voit pas qu’il est absolument impossible de concilier ces trois choses, le lit défait, la pendule marquant trois heures