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— Une fois défiguré, continua l’agent de la sûreté, le comte s’est mis, en toute hâte, à réunir les éléments de son plan, à disposer les apparences destinées à vous égarer, à faire croire qu’en même temps que sa femme, il avait été assassiné par une bande de brigands.

Il est allé chercher un vêtement de Guespin, et il l’a déchiré à la poche et en a placé un fragment dans la main de la comtesse.

Prenant alors le cadavre dans ses bras, en travers, il l’a descendu. Les blessures saignaient affreusement, de là les nombreuses taches constatées à toutes les marches.

Arrivé au bas de l’escalier, il est obligé de poser le cadavre à terre pour aller ouvrir la porte du jardin. Cette manœuvre explique parfaitement la tache de sang très-large du vestibule.

La porte ouverte, le comte revient prendre le cadavre et le tient entre ses bras jusque sur le bord de la pelouse. Là, il cesse de le porter, il le traîne en le soutenant par les épaules, marchant à reculons, s’imaginant ainsi préparer des empreintes qui feront supposer que son propre cadavre à lui a été traîné et jeté à la Seine.

Seulement, le misérable a oublié deux choses qui nous le livrent. Il n’a pas réfléchi que les jupons de la comtesse, en traînant sur l’herbe, la foulant et la brisant sur un large espace, dévoileraient la ruse. Il n’a pas songé que son pied élégant et cambré, chaussé de bottes fines à talons très-hauts, se moulerait dans la terre humide de la pelouse, laissant contre lui une preuve plus éclatante que le jour.

Le père Plantat se leva brusquement.

— Ah ! interrompit-il, vous ne m’aviez rien dit de cette circonstance.

M. Lecoq eut un joli geste de suffisance.

— Ni de plusieurs autres encore. Mais, à ce moment, j’ignorais, — son regard chercha celui du père Plantat, — j’ignorais absolument beaucoup de choses que je sais maintenant ; et, comme j’avais quelques raisons de sup-