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Tout est sens dessus dessous dans la chambre, il passe dans son cabinet et la destruction continue, la hache se lève et s’abat sans relâche. Il brise son propre bureau, non qu’il n’en connaisse tous les tiroirs, mais parce qu’il peut s’y trouver quelque cachette ignorée. Ce bureau, ce n’est pas lui qui l’a acheté, il a appartenu au premier mari, à Sauvresy. Tous les livres de la bibliothèque, il les prend un à un, les secoue furieusement et les lance par la chambre.

L’infernale lettre est introuvable.

Son trouble, désormais, est trop grand pour qu’il puisse apporter à ses perquisitions la moindre méthode. Sa raison obscurcie ne le guide plus. Il erre, sans raison déterminante, sans calcul, d’un meuble à l’autre, fouillant à dix reprises les mêmes tiroirs, pendant qu’il en est, tout près, à côté, qu’il oublie complètement.

C’est alors qu’il songe que cet acte qui le perd peut avoir été caché parmi le crin de quelque siége. Il décroche une épée et, pour sonder exactement, il hache le velours des fauteuils et des canapés du salon et des autres pièces…

La voix de M. Lecoq, son accent, son geste, donnaient à son récit un caractère saisissant. Il semblait qu’on vît le crime, qu’on assistât aux scènes terribles qu’il décrivait.

Ses auditeurs retenaient leur souffle, évitant même un geste approbateur qui eût pu distraire son attention.

— À ce moment, poursuivit l’agent de la sûreté, la rage et l’effroi du comte de Trémorel étaient au comble. Il s’était dit, lorsqu’il préméditait le crime, qu’il tuerait sa femme, qu’il s’emparerait de la lettre, qu’il exécuterait bien vite son plan si perfide, et qu’il fuirait.

Et voilà que tous ses projets étaient déconcertés.

Que de temps perdu, lorsque chaque minute envolée emportait une chance de salut !

Puis la probabilité de mille dangers auxquels il n’avait pas réfléchi, se présentait à son esprit. Pourquoi un ami ne viendrait-il pas lui demander l’hospitalité, comme